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Par Laura Stewart, assistante de recherche et étudiante au cycle supérieur à l’Université de la Colombie-Britannique et ex-stagiaire – Recherches aviaires à Oiseaux Canada

 

Chaque été depuis 1995, de dévoués bénévoles qualifiés se lèvent avant l’aube et gagnent des milieux humides partout au pays, enfilent leurs botttes-pantalons et recueillent des données dans le cadre du Programme de surveillance des marais (PSM) d’Oiseaux Canada. Leur travail comprend l’observation des oiseaux de marais visuellement et à l’oreille. Devant la disparition de milieux humides tant au pays qu’à l’étranger, des bénévoles et des scientifiques s’emploient à surveiller les populations des oiseaux qui y nichent. Malheureusement, ceux-ci ne leur rendent pas la vie facile. Bon nombre de ces oiseaux (butors, blongios, râles et grèbes) sont renommés pour leur grande discrétion; certains s’expriment vocalement surtout la nuit et d’autres peuvent devenir très silencieux lorsqu’ils détectent une présence humaine. Ainsi, cela peut obliger les observateurs à visiter chaque milieu humide trois ou quatre fois à différentes heures et tout au long du printemps et de l’été pour avoir un bon aperçu de la composition des espèces qui s’y trouvent. Qui plus est, certaines zones humides sont difficiles d’accès et présentent des dangers, même en plein jour. D’autres sont loin des voies de circulation routière et peuvent nécessiter des déplacements au travers de tapis de végétation flottants.

Or il existe des appareils très utiles qui peuvent contribuer à surmonter les obstacles susmentionnés: les enregistreurs autonomes. Ces petits instruments peuvent être installés pratiquement partout; ils effectuent des enregistrements en stéréo à l’aube, au crépuscule et la nuit pendant plusieurs jours ou semaines au cours de la période de nidification. Comme aucune présence humaine n’est nécessaire, ils dérangent moins les oiseaux pendant les «relevés», sans compter qu’on peut les programmer pour enregistrer les sons aux moments les plus propices. On peut même installer et récupérer les enregistreurs autonomes en utilisant des raquettes ou des motoneiges en hiver, période où les eaux sont gelées et donc moins dangereuses (les tourbières de la zone boréale par exemple). En somme, ces appareils offrent une grande souplesse.

Enregistreur autonome Photo : Laura Stewart

Toutefois, avant d’utiliser un nouvel outil, les chercheurs doivent savoir comment les données recueillies par celui-ci se comparent à celles qu’on obtient par d’autres moyens. Ainsi, pendant les étés 2018 et 2019, des membres du personnel d’Oiseaux Canada ont visité 94 milieux humides dans tout le pays et réalisé 602 relevés en personne dans le cadre du PSM tout en récoltant les données à l’aide de deux modèles d’enregistreurs sonores Song Meter. Par la suite, les enregistrements ont été analysés par les personnes qui avaient effectué les relevés sur place, ce qui a permis de déterminer les effectifs de chaque espèce d’oiseau juste en se basant sur les sons entendus dans les enregistrements. Il était possible d’écouter les enregistrements autant de fois que souhaité, ce que ne peut faire un observateur sur le terrain, tout en disposant d’un sonagramme (graphique représentant les caractéristiques acoustiques des sons). Certains apprécieront vraisemblablement le fait de pouvoir travailler dans un milieu tempéré exempt de moustiques en dégustant un chocolat chaud ou un café!

Spectrogramme : Laura Stewart

Les comparaisons que nous avons faites des résultats des relevés effectués par la méthode traditionnelle et par le biais des enregistreurs révèlent, en moyenne, une grande similitude pour la plupart des espèces d’oiseaux. Le modèle d’enregistreur le plus récent donnait des résultats encore meilleurs, car il captait plus de vocalisations que le modèle antérieur. Les résultats variaient selon l’espèce, et nous avons constaté que certaines espèces qui émettent des sons aigus étaient détectées plus efficacement par les enregistreurs que par les observateurs, vraisemblablement à cause de l’avantage visuel que procurent les sonagrammes. Par contre, quelques espèces à la voix grave étaient mieux détectées par les observateurs, peut-être parce que les bruits de fond produits par le vent et la circulation automobile semblent amplifiés par les enregistreurs. Nous avons utilisé les données recueillies des deux façons pour calculer des facteurs de correction propres aux différentes espèces qu’appliqueront les scientifiques intéressés qui désirent combiner les données de dénombrement par des humains et celles recueillies par des enregistreurs pour intégrer les méthodes et produire des données plus robustes.

Butor d’Amérique Photo : Laura Stewart
 
Laura Stewart avec enregistreur autonome Photo : Janine McManus

Les ornithologues amateurs n’ont rien à craindre! Les enregistreurs autonomes ne remplaceront jamais les observateurs compétents qui effectuent des dénombrements en temps réel. Notre étude montre que ces appareils peuvent jouer un rôle majeur en améliorant nos programmes de relevé d’oiseaux de marais. Les enregistreurs peuvent nous aider à réaliser des écoutes dans des milieux humides difficiles d’accès et à capter les vocalisations des espèces les plus discrètes aux moments idéaux, et ainsi à récolter les données dont nous avons besoin pour surveiller l’état de nos milieux humides et de l’avifaune qu’ils accueillent.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur notre recherche, vous pouvez lire notre article dans son intégralité dans la revue en ligne Avian Conservation and Ecology (résumé en français).

 

 Bruant des prés Photo : Laura Stewart

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