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Par Julie Prentice et Sydney Shepherd, Programme de conservation du Pluvier siffleur en Ontario

La conservation aviaire prend différentes formes. Nous amorçons une nouvelle série de billets qui vous amèneront dans les coulisses des activités que nous menons sur le terrain.

À l’été 2025, seulement 4 nids de Pluviers siffleurs ont été productifs dans la région des Grands Lacs en Ontario. Avec une population de cette taille, chaque petit nid revêt une importance capitale. Toute l’année, le Programme de conservation du Pluvier siffleur en Ontario, mené par Oiseaux Canada, donne à cette espèce les meilleures chances d’élever les petits avec succès. Pour les protéger, il ne suffit pas d’installer des clôtures ou de discuter avec les utilisateurs des plages. Il faut une collaboration, de la science, de la stratégie et beaucoup de temps passé au soleil et sur le sable!

À première vue, on pourrait croire que notre travail consiste uniquement à se promener sur la plage et à observer les oiseaux. Or les Pluviers siffleurs ne sont présents en Ontario qu’environ 3 à 4 mois par an, et ces quelques jours passés sur le sable sont le fruit de mois de préparation et s’appuient sur des années de recherche, d’expérience et de relations établies.

Le personnel d’Oiseaux Canada et de ses partenaires, dont le Service canadien de la faune et Parcs Ontario, combinent le travail de terrain et des stratégies fondées sur la recherche pour faire en sorte que chaque adulte, œuf et poussin de Pluvier siffleur ait les meilleures chances de survie possible. Chaque hiver, nous tenons des rencontres avec des partenaires locaux et de l’étranger pour partager les données de la saison précédente, analyser les tendances à long terme, nous tenir au courant des nouvelles recherches et mettre à jour nos protocoles et stratégies. Nous rencontrons également nos partenaires des gouvernements pour nous tenir au courant des changements législatifs, mettre à jour nos permis, explorer les possibilités de financement, etc. Comme nos saisons sur le terrain peuvent être assez imprévisibles, une tâche importante en hiver consiste à vérifier notre matériel et nos fournitures afin de nous assurer que nous en avons suffisamment pour protéger chaque nid sans tarder. Lorsque le printemps arrive, nous sommes prêts à passer à l’action!

Notre équipe mène des activités de sensibilisation du public tout au long de l’année, et l’hiver est le moment idéal pour programmer les activités et événements et planifier des campagnes sur les réseaux sociaux. Les Pluviers siffleurs sont si rares que la plupart des gens en Ontario n’en ont jamais entendu parler, et on ne peut pas protéger ce qu’on ne connaît pas. Le soutien du public est essentiel pour améliorer le succès de nidification, car il existe de nombreuses menaces sur les plages qui peuvent être influencées par les changements de comportement humain. La sensibilisation est également l’occasion de recruter des bénévoles, dont la contribution est très importante pendant la saison de nidification!

L’arrivée des pluviers

Vers la mi-avril, notre personnel, nos partenaires et nos bénévoles arpentent chaque jour de vastes étendues de sable à la recherche des premiers pluviers. Et dès qu’il en arrive un, c’est parti!

Les Pluviers siffleurs pondent leurs œufs directement dans le sable, sur des étendues de plage dégagées. Les équipes doivent donc agir rapidement pour assurer leur protection. Chaque minute sans protection est une minute pendant laquelle une personne pourrait accidentellement piétiner le nid, un chien pourrait chasser les parents ou un prédateur pourrait manger les œufs. L’installation d’une clôture autour du nid réduit les dérangements causés par les humains et donne aux pluviers l’espace nécessaire pour protéger leurs œufs et leurs petits. Les zones fermées sur les rives permettent aux poussins de continuer à se nourrir d’insectes au bord de l’eau pour pouvoir grandir en bonne santé, échapper aux prédateurs et se préparer à la migration d’automne. Elles protègent les parties les plus critiques des plages, mais il est important de se rappeler que les Pluviers siffleurs utilisent toute la largeur et une grande partie de la longueur de la plage pour se nourrir et se reposer. C’est pourquoi la protection de l’habitat et le changement des comportements humains doivent aller au-delà du nid pour protéger véritablement nos pluviers!

 

Agir en temps réel

Notre programme repose sur la gestion adaptative. C’est là que notre préparation hivernale prend tout son sens. Grâce aux données de surveillance recueillies par notre personnel, nos partenaires et nos bénévoles, nous en apprenons davantage sur les menaces et la dynamique propres à chaque site en temps réel, et nous utilisons des cadres de recherche et décisionnels pour guider nos actions. Par exemple, la montée du niveau de l’eau, les vents soudains et les ondes de tempête peuvent emporter un nid de Pluvier siffleur en quelques minutes. Le personnel et les bénévoles travaillent sans relâche, surveillant de près les conditions météorologiques afin de déterminer quand, où et comment utiliser des sacs de sable ou prendre d’autres mesures d’atténuation. Sur certains sites de nidification, des cages métalliques, que nous appelons exclos, sont utilisées pour dissuader les prédateurs et augmenter les chances d’éclosion des œufs, mais cette stratégie ne convient pas nécessairement à tous les sites.

Avec l’aide de Parcs Ontario, on installe une caméra pour surveiller les prédateurs et les dérangements à un nid de pluviers.

Pour mettre en œuvre ces stratégies de gestion, il faut compter sur l’expérience et des protocoles établis et obtenir les autorisations légales afin de garantir que les mesures choisies protègent au mieux les oiseaux et les nids. Une mauvaise décision ou une action tardive peut facilement entraîner la perte de toute la couvée, soit la prochaine génération de pluviers. Il est donc absolument essentiel de disposer d’une expertise propre à l’espèce et d’une collaboration étroite avec les partenaires locaux.

 

La sensibilisation en action

La partie la plus visible de notre programme est la surveillance des nids. Du matin au soir, tous les jours de la semaine, le personnel et les bénévoles sont sur les plages pour recueillir des données, répondre aux questions du public et aider les gens à en savoir plus sur les oiseaux avec lesquels ils partagent les rives. Aux lieux de nidification les plus fréquentés de l’Ontario, comme le parc provincial Wasaga Beach et l’île de Toronto, les bénévoles peuvent accumuler plus de 1300 heures de travail en une seule saison! Non seulement leurs données nous fournissent des informations en temps réel pour protéger les oiseaux, mais elles nous aident également à nous préparer pour les saisons futures et à interagir avec les utilisateurs des plages. Nos interactions avec la population sont extrêmement positives: les gens sont curieux, surpris et souvent ravis d’apprendre qu’un petit oiseau de rivage en voie de disparition a choisi leur plage préférée pour élever sa famille. Dès qu’ils voient ces petits poussins ressemblant à des boules de coton courir sur la plage, c’est le coup de foudre!

Des efforts qui portent fruit

Le Pluvier siffleur a été classé en voie de disparition en vertu de l’Endangered Species Act des États-Unis en 1986, lorsque la population avait atteint un niveau record de moins de 15 couples. Des scientifiques du Michigan, où vivaient les derniers couples, ont mis au point des méthodes de rétablissement intensives qui ont finalement permis à la population de croître et de rétablir ses sites de nidification historiques dans toute la région des Grands Lacs. L’Ontario a adopté ces mêmes méthodes éprouvées, et nous continuons à les adapter à mesure que de nouvelles recherches sont publiées et que la dynamique des plages évolue. Depuis le retour des Pluviers siffleurs en Ontario en 2007, après 30 ans d’absence, la province a vu naître plus de 180 poussins. D’innombrables heures de recherche, de préparation, de résolution de problèmes et de collaboration ont porté leurs fruits: la population de Pluviers siffleurs des Grands Lacs est aujourd’hui la plus importante depuis la désignation de l’espèce en voie de disparition chez nos voisins du sud!

Même s’il reste encore des défis à relever, tels que l’augmentation du nombre de prédateurs et la perte d’habitat, nous avons prouvé que les humains et les pluviers peuvent coexister avec succès. La présence de Pluviers siffleurs, espèce en voie de disparition, sur des plages de l’Ontario incite de nombreux ornithologues amateurs et amoureux de la nature à s’y rendre, et les pluviers peuvent prospérer même sur les plages les plus fréquentées. Grâce à des stratégies fondées sur la science, à une gestion de l’habitat axée sur la conservation et à un travail d’équipe intense, les plages de l’Ontario peuvent continuer d’être des lieux où les familles – d’humains et d’oiseaux – peuvent créer des souvenirs d’été.

Gotawsi et son petit au parc provincial Wasaga Beach, le site de nidification le plus productif année après année en Ontario. Photo: Kalvin Chan.

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