Sélectionner une page

6 minutes de lecture. | Link to English blog

Par Cléa Frapin, Biologiste de la conservation et des suivis – Nord du Canada & Thomas Gianoli, Biologiste, Surveillance des oiseaux – Nord du Canada

Une vaste étendue de nature, le son de la marée de la baie d’Ungava qui monte et descend, le chant des oiseaux, les têtes de phoques qui émergent à la surface de l’eau, les traces d’ours polaire, et au milieu de tout ça les rires des jeunes Inuit qui jouent à Happy Salmon. Vivre coupé de toute communication, au milieu d’une culture si joviale, et d’une nature omniprésente et magnifique, on vous raconte notre séjour au Nunavik.

Le projet Imalirijiit

Tout a commencé à la retraite nordique organisée par l’Institut Nordique du Québec à l’automne 2024, alors que José Gérin-Lajoie présentait le projet de surveillance environnementale communautaire Imalirijiit. Imalirijiit signifie ‘Ceux qui étudient l’eau’ en Inuktitut, nom donné par les jeunes lors du premier camp sur le territoire. . Pour vous situer, Kangiqsualujjuaq est situé au Nunavik (au nord du Québec) au sud-est de la baie d’Ungava, à l’embouchure de la rivière George qui La communauté était, et demeure, préoccupée par les impacts du développement d’un projet d’exploitation minière d’éléments de terres rares, qui a débuté autour de 2010 dans le haut du bassin-versant de la rivière George, à la frontière du Labrador. La communauté inuit de Kangiqsualujjuaq, qui dépend beaucoup des ressources de ces eaux, a la volonté d’effectuer un suivi environnemental en collaboration avec des scientifiques, afin d’avoir en main son propre état de référence et de suivre des impacts potentiels de la mine sur l’écosystème de la rivière George.

Carte montrant l’est du Nunavik et la localisation des éditions du Camp Imalirijiit.

Le camp

Pour impliquer les différentes générations de la communauté, ils ont décidé ensemble de mettre au cœur de leur initiative l’organisation d’un camp sur le territoire annuel qui aurait comme objectif la collecte de données sur la rivière, ainsi que l’implication et la formation des jeunes entre 13 et 21 ans.

Photo : Amélie Grégoire Taillefer

Les thématiques abordées au camp évoluent d’une année à l’autre selon les intérêts de la communauté et des scientifiques impliqués. C’est là que notre équipe de la Science dans le Nord a pu apporter son expertise et embarquer dans l’aventure Imalirijiit. Nous nous sommes rendus à Kangiqsualujjuaq le 2 juillet dernier pour 3 semaines. Nous avons rejoint l’équipe scientifique José Gérin-Lajoie, Geneviève Dubois et Rachel Hussherr, ainsi qu’Amélie Grégoire-Taillefer – entomologiste à l’insectarium de Montréal et – étudiante graduée du Environmental Technology Program du Nunavut Arctic College. Nous avons passé une semaine au village de Kangiqsualujjuaq pour préparer la logistique, une semaine au camp sur le territoire, puis une autre semaine au village pour la logistique post-camp. Les activités avaient lieu cette année au bord de la rivière Kuururjuaq (Koroc, sur le territoire du Parc national Kuururjuaq. Le groupe était composé d’une trentaine de personnes de la communauté, incluant ainées, guides, facilitateurs, cuisinières et une quinzaine de jeunes. Les activités alternaient entre formation scientifique, échanges de savoirs locaux et activités ludiques.

Les activités

Pour introduire les jeunes (et les moins jeunes) à l’étude des oiseaux, nous avons organisé deux séances de capture de passereaux par filet japonais et avons pu montrer le baguage et la prise de mesures sur trois individus (Bruant de Lincoln, Sizerin flammé et Bruant à couronne blanche).

Photo : Thomas Gianoli
Photo : Cléa Frapin

C’était passionnant de voir les grands yeux pleins de curiosité et d’étonnement face aux couleurs des oiseaux qui paraissent plutôt ‘ternes’ de loin. À travers plusieurs activités, nous avons introduit les jeunes à l’écologie et aux techniques d’identification des oiseaux. Nous avons fait un quiz sur les chants d’oiseaux, présenté les enregistreurs acoustiques, disséqué des pelotes de régurgitation de rapaces et parlé de la migration et du système de surveillance Motus.

Parsemées dans les journées, plusieurs activités culturelles traditionnelles ont eu lieu. En passant par des activités de subsistance, comme la pêche aux moules (Uviluq picking), pêche d’omble chevalier (Iqaluppik), réparation des filets de pêche sous la supervision des guides, des tentatives de chasse au phoque et des sorties en bateau pour explorer le territoire sous une autre perspective. Enfin, des activités comme la couture de figurines d’Harfang des neiges (Ukpik sewing, oiseau culturellement important), la préparation de bannique pour les repas (pain traditionnel), des parties de baseball inuit, le partage de touchantes histoires de vie des ainées, et des séances musicales ont été des moments rassembleurs.  

Le camp s’est donc déroulé avec un programme riche et diversifié, organisé de façon impeccable, tout cela comblé par une curiosité et un désir d’apprendre autant chez les jeunes que chez les adultes présents. Un franc succès afin de célébrer de bonne façon cette neuvième édition de camp sur le territoire, ainsi que la dixième année de ce projet inspirant et enrichissant.

Photos : Amélie Grégoire Taillefer (gauche, milieu), Cléa Frapin (droite)

C’est difficile d’expliquer à quel point le camp Imalirijiit a été une expérience exceptionnelle sous tous les points de vue. Vivre sur le territoire en communauté pendant une semaine, isolés du monde et accompagnés de personnes extraordinaires tout en échangeant nos connaissances et expériences est une chance et un privilège uniques. Être absorbé par la nature grandiose, malgré un horaire bien chargé, et vivre cela avec les gens de la communauté de Kangiqsualujjuaq m’a permis de me rendre compte à quel point cela est important pour nous, mais surtout pour eux. Une reconnexion aux sources qui est parfois sous-estimée et en péril à la suite de l’arrivée et l’accessibilité des technologies et des conforts à la maison, et une déconnexion de tout le reste. On pourrait dire un retour à la simplicité, malgré les enjeux que tout le monde vit.

Tout cela en partageant notre passion pour les oiseaux, quoi de mieux! Tous les moments passés là-bas resteront pour toujours dans ma mémoire, avec le grand espoir de pouvoir répéter cette expérience dans les années à venir!

Photo : Thomas Gianoli

GARDEZ LE CONTACT AVEC OISEAUX CANADA

Copy link
Powered by Social Snap