Par Jody Allair est directeur – Science citoyenne et Engagement communautaire à Oiseaux Canada
« Tout oiseau est joyeux en entendant son chant. » – Proverbe provençal
Pour moi, l’observation des oiseaux a toujours été la poursuite d’un double objectif, d’un côté m’évader et de l’autre établir des contacts avec la nature en compagnie de personnes qui partagent ma passion. Actuellement, la distanciation sociale et physique devient la nouvelle normalité pour presque toutes nos activités, et elle le demeurera probablement pendant les mois à venir. Je veux plus que jamais passer du temps dehors à observer les oiseaux et saisir tout ce que la nature m’offre, ce qui veut dire pour le moment surtout dans ma cour arrière. Comme père d’une fille de neuf ans, je tiens à l’amener dehors, pour trouver des oiseaux mais aussi pour nous aider à vivre avec le stress et l’anxiété que la COVID-19 nous apporte.
Voir la joie qu’éprouve ma fille lorsqu’elle nourrit des, Mésanges à tête noire (pour écouter les chants d’oiseaux, cliquez sur les liens), apercevoir un Cerf mulet dans le bois voisin ou admirer un Grand Pic de près nous rappelle on ne peut mieux le bien-être que procure le temps passé dans la nature. La nature peut être un baume pour l’âme.
Je dis souvent que les oiseaux sont magiques. Cela peut paraître une exagération, mais cela me semble vrai. Et avec le printemps qui s’éveille, nous pouvons goûter une des grandes joies que nous offre la nature : le retour des chants d’oiseaux.
Fille de l’auteur au parc national des Lacs-Waterton Photo: Jody Allair
Plusieurs espèces d’oiseaux, comme le Bec-croisé bifascié, chantent toute l’année. Toutefois, la vaste majorité des passereaux chantent au printemps en revenant de migration ou, dans le cas des oiseaux résidents, quand le temps printanier inaugure la période des amours. Les oiseaux chantent pour diverses raisons, mais avant tout pour établir des territoires et attirer des partenaires. Au Canada, c’est souvent l’affaire des mâles, mais de récentes études montrent que les femelles chantent plus souvent qu’on le croyait auparavant.
En tant qu’indéfectible observateur d’oiseaux, je suis amoureux de leurs chants depuis le tout début. L’appel mélancolique d’un Plongeon huard évoque des souvenirs des étés de mon enfance passés sur le lac Crowe, en Ontario, la voix de la Petite Nyctale me rappelle les moments passés à baguer des Strigidés en fin de soirée aux Observatoires d’oiseaux de Long Point et de Thunder Cape. En Amazonie équatorienne en février dernier, j’ai pu entendre la signature sonore extraordinaire du Piauhau hurleur, une des plus impressionnantes du monde, que j’avais toujours voulu entendre dans la nature.
Je crois qu’entendre des oiseaux chanter est bienfaisant pour tout le monde et non seulement pour les ornithologues. Par exemple, le cas d’Hawaï – un endroit qui me tient particulièrement à coeur – le confirme. Les oiseaux forestiers qui y vivent chantent à longueur de jour. Toutefois, depuis le 18e siècle, l’archipel subit les graves effets de l’introduction d’espèces exotiques, dont des moustiques vecteurs de maladies. La malaria et la variole aviaires transmises par des insectes y ont décimé les populations de passereaux indigènes. Depuis l’introduction d’insectes, des passereaux indigènes ont disparu des zones au-dessous de la « ligne de la malaria » (l’altitude maximale limite pour ces insectes, soit environ 1370 mètres). Les Hawaïens qui vivaient sous cette altitude au début du 20e siècle déploraient la disparition des oiseaux, en particulier de leurs chants. Ils fondèrent la Hui Manu Society à la fin des années 1920 dans le but d’introduire des oiseaux chanteurs multicolores et mélodieux à des fins esthétiques, pour égayer les jardins devenus silencieux. (Robert L. Pyle et Peter Pyle racontent cette histoire dans leur ouvrage intitulé The Birds of the Hawaiian Islands: Occurrence, History, Distribution, and Status.). Même si nous osons penser que personne de nos jours n’introduirait de nouvelles espèces dans un écosystème insulaire, cet exemple nous rappelle l’importance de maintenir les populations d’oiseaux et témoigne de la valeur que revêtent ces êtres vivants pour nous au-delà de leurs fonctions écologiques.
Palila Hawaïen natif Photo: Jared Clarke
La situation à laquelle nous sommes confrontés actuellement nous donne l’occasion d’entrer en relation avec les oiseaux et la nature, individuellement mais mieux encore avec nos familles. Le retour des oiseaux migrateurs avec leurs chants est encore une raison de plus de sortir et d’apprendre. Par où faut-il commencer? Eh bien, à l’heure actuelle la réponse est simple: nos cours arrière et nos balcons constituent l’habitat à l’extérieur que nous pouvons explorer pour un avenir prévisible. Heureusement, nos cours arrière et nos balcons peuvent être d’excellents endroits pour commencer à apprendre à identifier nos espèces les plus communes. Les parcs et autres espaces verts vous attendent. Vous pouvez aussi explorer une ZICO (zone importante pour la conservation des oiseaux et de la biodiversité) proche de chez vous (ibacanada.org) ou vous rendre à ebird.ca/explore pour trouver des endroits propices à l’observation des oiseaux.
Il faut du temps, de l’étude et de la pratique pour identifier les oiseaux par leur voix, mais ça vaut la peine. Vous pourrez détecter et identifier plus d’espèces et cela pourrait vous faire découvrir un monde qui vous était inconnu. D’ailleurs, vous connaissez probablement déjà quelques chants, comme ceux de la Mésange à tête noire, du Merle d’Amérique, de la Bernache du Canada … vous ne partez pas de zéro. En fait, je vous encourage à passer plus de temps à écouter les vocalises des oiseaux communs. Vous en apprendrez beaucoup sur les espèces de votre coin de pays et découvrirez des sons étranges et inhabituels.
Un de mes inestimables mentors à mes débuts comme ornithologue amateur m’a donné ce conseil : repérer le point d’origine des sons nouveaux ou étranges émis par des oiseaux. Il n’y a pas de meilleure façon de faire le lien entre l’oiseau et son chant; cet exercice vous aidera à retenir l’information.
Il existe d’excellentes ressources pour qui est intéressé à apprendre les chants. Je pense en particulier au site web Dendroica (natureinstruct.org/dendroica) et à l’application pour téléphone intelligent Larkwire (en anglais). Et si vous voulez savoir quels oiseaux vivent dans votre région à n’importe quel moment de l’année, visitez oiseauxcanada.org et consultez Les oiseaux de votre région, un guide photo d’identification des oiseaux (sous l’onglet Découvrir les oiseaux). Cette ressource imprimable est excellente pour les jeunes et les familles.
Je vous souhaite bonne chance et de bonnes observations! Pour ma part, je vais explorer le boisé de mon voisinage avec ma fille pour écouter la voix revigorante des Roselins familiers et espérer entendre au loin la douce vrille descendante du chant flûté de la Grive fauve.