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Par Heather Polowyk, biologiste – Conservation des insectivores aériens
Tout comme les habitations humaines varient entre des immeubles compacts à forte densité et des bungalows ruraux tentaculaires, les oiseaux ont développé des moyens uniques pour abriter leurs petits. Les nids sont un élément essentiel de leur reproduction, et, au Canada, nous avons la chance d’être témoins de la créativité qu’ils déploient chaque été. Extrêmement différents quant à leur taille, leur complexité et leur originalité, les nids d’oiseaux continuent de fasciner les ornithologues professionnels et amateurs et les amoureux de la nature partout dans le monde. Plongez dans l’univers de l’innovation aviaire, où chaque nid raconte une histoire de survie, de créativité et d’instinct.
Les bâtisseurs des deux premiers nids présentés ici pourraient être comparés aux personnages de David et Goliath. Le mot d’ordre ici: à chacun sa taille.
Le plus gros nid : celui du Pygargue à tête blanche

Nid de Pygargue à tête blanche. Photo : Oiseaux Canada
Il n’est sans doute pas surprenant qu’au Canada, le plus grand nid appartienne à l’un de nos plus gros oiseaux, le Pygargue à tête blanche. Le nid moyen de l’espèce mesure entre 1,5 et 1,8 m de diamètre et entre 0,6 et 1,2 m de hauteur, soit à peu près la taille d’un réfrigérateur standard couché sur le côté et arrondi. Ce nid bien visible n’a de sens que pour un oiseau situé au sommet de la chaîne alimentaire. Le mâle et la femelle travaillent ensemble pour le construire, en tissant des brindilles, de la mousse, de l’herbe et d’autres matières végétales. Pour garder les petits au chaud et à l’aise, ils tapissent le nid de végétaux verts, de lichens et de plumes. Malgré la taille imposante du gîte, la femelle ne pond généralement que deux œufs. Les aiglons restent dans le nid entre 8 et 14 semaines, ce qui explique pourquoi ces oiseaux en pleine croissance ont besoin d’autant d’espace. À titre de comparaison, la plupart des petits passereaux passent environ un mois au total dans leur nid. À noter qu’en français, les nids des grands oiseaux de proie sont aussi appelés aires.
Où trouve-t-on les nids?
Partout dans la forêt boréale, dans la région des Grands Lacs et le long des côtes, les Pygargues à tête blanche nichent dans les arbres, souvent près de grands plans d’eau, ou sur des falaises en l’absence d’arbres. Le type d’arbre choisi pour le nid varie en fonction des essences dominantes, les conifères et les feuillus étant utilisés autant les uns que les autres. Ces rapaces nichent généralement à au moins 500 m des zones où des êtres humains sont présents, mais ayant appris à vivre en harmonie avec leurs voisins, ils nichent parfois plus près des agglomérations humaines.

Pygargue à tête blanche. Photo : Oiseaux Canada
Le plus petit nid : celui du Colibri calliope

Nid de Colibri calliope. Photo: iNaturalist open source. Utilisateur: enspring, C.-B.
À l’autre extrémité du spectre, on trouve le Colibri calliope, la plus petite espèce d’oiseau au Canada, qui a un nid tout aussi minuscule. Ces petits oiseaux pèsent à peine plus qu’une pièce de monnaie (seulement 3 grammes!) et leur nid a un diamètre extérieur moyen de 4,3 cm et une hauteur de 2,5 cm. Le diamètre intérieur n’est que de 2 cm et la profondeur, de 1,5 cm. Contrairement au Pygargue à tête blanche, le Colibri calliope a des prédateurs et doit cacher son nid. Il le construit souvent sur une base de pomme de pin morte, qu’il camoufle à l’aide de lichens, d’écorce et de mousse. Ces minuscules nids abritent deux œufs qui mesurent en moyenne 12 mm sur 8 mm. Les oisillons restent dans le nid entre 18 et 21 jours.
Où trouve-t-on les nids?
Si vous habitez le long de la partie sud de la frontière séparant la Colombie-Britannique de l’Alberta, vous pourriez voir un nid de Colibri calliope dans un arbre, comme le pin lodgepole ou le Douglas vert, ou encore une aulne ou un pommier, le long d’une berge escarpée. Le nid est difficile à trouver, non seulement parce qu’il est petit, mais aussi parce qu’il se trouve au haut d’une branche et que son pourtour se fond parfaitement dans la végétation. La meilleure façon d’en trouver un est de surveiller un colibri adulte et de le suivre.

Nid de Colibri calliope. Photo: iNaturalist open source. Utilisateur: leannestacy, Kootenay, C.-B.
Les deux espèces qui suivent intéresseront les amateurs de rénovation domiciliaire. Apparemment influencés par les designers d’intérieur, elles ont poussé à l’extrême les concepts de design maximaliste et minimaliste.
Le style maximaliste : La Pie d'Amérique
En matière de construction, la Pie d’Amérique affectionne le style maximaliste. Elle construit son nid en forme de dôme à l’aide de grandes branchettes souvent épineuses. Le dôme, qui sert de toit, mesure en moyenne 75 cm de haut et 50 cm de large, mais la taille de chaque nid varie en fonction de l’individu qui le construit. Les mâles se concentrent sur la construction du dôme, tandis que les femelles se chargent de fabriquer la coupe en boue et de tapisser le nid. Malgré la taille imposante du dôme, celui-ci est plutôt trompeur, car la coupe en boue, où sont pondus les œufs, est beaucoup plus petite, soit d’un diamètre moyen de 17 cm. Le grand dôme a toutefois une fonction utile, puisqu’il assure l’isolation et réduit l’énergie nécessaire à l’incubation des œufs.

Nid de Pie d’Amérique. Photo: iNaturalist, Elleneiriksson. Copyright CC-BY https://www.inaturalist.org/observations/277064427
Où trouve-t-on les nids?
La Pie d’Amérique n’est pas regardante lorsqu’il s’agit de trouver un endroit pour construire son nid en forme de dôme. On en trouve dans les banlieues, les champs agricoles, les prairies ouvertes ou les bois, ou encore sur les berges des cours d’eau. L’oiseau érige son nid dans les buissons et les arbres et sur des structures anthropiques telles que des poteaux électriques.

Pie d’Amérique. Photo: Kwok Wai
Le style minimaliste : L’Engoulevent de Nuttall
Chez l’Engoulevent de Nuttall, la simplicité volontaire est à l’honneur. Pour pondre ses oeufs, la femelle creuse une petite cavité sur divers types de sol, laquelle est souvent recouverte de feuilles d’arbustes, de feuilles mortes, de gravier ou de terre nue. Les œufs sont souvent blancs et peuvent être bien visibles. Heureusement, la femelle et le mâle, qui s’occupent tous deux de la couvaison, sont passés maîtres dans l’art du camouflage et du courage. Lorsqu’un danger approche, ils restent dans le nid jusqu’à ce que le prédateur soit à moins de 2 mètres. Une fois chassés du nid ou effrayés, ils sifflent, grognent et tentent de détourner l’attention de l’intrus pour l’éloigner du nid et l’attirer vers eux.

Nid d’Engoulevent de Nuttall. Photo: iNaturalist. Usager: margaretgallagher. Copyright CC BY-NC, https://www.inaturalist.org/observations/168222962. Image non destinée à des fins commerciales.
Où trouve-t-on les nids?
L’Engoulevent de Nuttall niche dans le sud de la Colombie-Britannique, le sud-est de l’Alberta et le sud-ouest de la Saskatchewan. Il est souvent facile à identifier au son, mais difficile à voir. Cette espèce est plus active au crépuscule et à l’aube, passant la nuit à chercher de la nourriture. Et elle préfère les milieux ouverts, arides et broussailleux. Les adultes sont passés maîtres dans l’art du camouflage et cachent très bien les nids.

Engoulevent de Nuttall. Photo : Alan Burger.
En observant ces nids, on peut facilement établir des parallèles avec des mouvements artistiques tels que le surréalisme, l’impressionnisme et l’avant-garde. Le surréalisme se caractérise par la juxtaposition d’idées souvent impossibles à concilier. L’impressionnisme vise à représenter le mouvement. Enfin, le style avant-gardiste se distingue par son caractère inhabituel et expérimental. Ces styles se définissent par la poussée à l’extrême de certains concepts afin de créer quelque chose de beau. Ces oiseaux ont parfaitement compris la consigne.
Le surréalisme : L'Hirondelle à front blanc

Nids d’Hirondelles à front blanc. Photo : Yousif Attia
Souvent accrochées à des structures en béton ou en brique à 90 degrés, comme sous des ponts ou sur les parements de maisons, les Hirondelles à front blanc construisent leurs nids en forme de gourdes avec de la boue. Les mâles et les femelles s’y emploient ensemble, en ramassant une boulette de boue dans leur bec, qu’ils secouent pour disperser la boue en trop et ériger lentement le nid. Un nid moyen est constitué de 900 à 1200 boulettes de boue et peut prendre jusqu’à 18 jours à construire. Les parois isolent les œufs du vent et de la pluie. Après tout le travail de construction accompli, les Hirondelles à front blanc les réutilisent volontiers, moyennant quelques réparations, lors de la saison de reproduction suivante.
Où trouve-t-on les nids?
De la Nouvelle-Écosse jusqu’à la Colombie-Britannique et dans les Territoires du Nord-Ouest et au Yukon, les Hirondelles à front blanc nichent en colonies, ce qui les rend faciles à trouver. Cherchez-les sous les ponts et sur les parois des habitations. Elles sont très actives pendant le jour, volant haut dans le ciel à la poursuite d’insectes.

Hirondelle à front blanc. Photo : Nick Saunders
L’impressionnisme : L’Oriole de Baltimore

Nid d’Oriole de Baltimore. Photo: iNaturalist open source. Usager: Loarie.
L’Oriole de Baltimore est un tisserand. Il fabrique un nid en forme de panier de 8 à 10 cm de profondeur et d’autant de diamètre qui pend à une fourche dans la partie supérieure d’un arbre. Ce nid complexe, qui ressemble à une chaussette, est construit en trois étapes, à l’aide de matériaux précis à chaque étape. Tout d’abord, l’extérieur est construit avec des fibres souples, comme des herbes et de l’écorce. Ensuite, la partie intérieure est tissée à partir de fibres qui aident à maintenir la forme de calebasse. Enfin, la doublure interne du nid est constituée de fibres douces et confortables, telles que des plumes. C’est la femelle qui construit le nid, en ficelant les fibres ensemble à l’aide de son bec, qu’elle enfonce au hasard, créant ainsi un enchevêtrement de fibres.
Où trouve-t-on les nids?
De la Nouvelle-Écosse jusqu’en Alberta, les Orioles de Baltimore construisent leurs nids pendulaires au faîte d’arbres feuillus. Ils recherchent des milieux boisés ouverts, entre autres des orées de forêts ou de petits bouquets d’arbres. Les cours arrière et les parcs du voisinage sont les endroits parfaits pour les chercher.

Oriole de Baltimore. Photo : Stéphane Picard
L’avant-garde : La Paruline couronnée

Nid de Paruline couronnée. Photo : Jody Allair
La Paruline couronnée se distingue elle aussi par l’originalité de son nid, qu’elle place au sol dans la litière forestière. La femelle dégage un emplacement au sol, qu’elle tapisse d’écorce, de petites brindilles et d’herbes. À l’aide de feuilles mortes, elle construit un dôme qui surplombe une coupe avec une entrée latérale. Le dôme et la coupe forment un ensemble qui ressemble à un four à pain, d’où le nom anglais de l’espèce: Ovenbird. Les nids des parulines couronnées sont très bien camouflés grâce aux feuilles mortes et à leur emplacement près de petits arbres ou d’arbustes.
Où trouve-t-on les nids?
De Terre-Neuve jusqu’au Yukon, on peut trouver des Parulines couronnées dans les forêts de feuillus. Il faut d’abord écouter leurs notes doubles de plus en plus fortes (tipié tipié tipié tipié TIPIÉ TIPIÉ TIPIÉ). Ensuite, scrutez le sol attentivement dans la litière. Les nids sont très difficiles à repérer. Faites attention en marchant, pour éviter d’en piétiner un par accident.

Paruline couronnée. Photo : Melanie Howarth
Éthique de l’observateur de nids
Comme toujours avec les espèces sauvages, veillez à la sécurité des oiseaux lorsque vous recherchez leurs nids. Utilisez des jumelles pour observer discrètement à bonne distance. Surveillez les cris d’alarme et éloignez-vous si vous en entendez. Déplacez-vous rapidement pour permettre aux parents de retourner couver leurs œufs ou de nourrir leurs petits. Si vous trouvez un nid, ne laissez pas de trace. Poursuivez plutôt votre chemin au-delà du nid afin de disperser votre odeur et de ne pas attirer les prédateurs. Ne touchez jamais un nid, des œufs ou des oisillons. Pour signaler la présence d’un nid ou pour en savoir plus, rendez-vous au site web du Programme de suivi des nids d’oiseaux.