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Par Rémi Torrenta, coordonnateur des programmes en Colombie-Britannique, Oiseaux Canada
Le Relevé des oiseaux aquatiques des côtes de la Colombie-Britannique est un des programmes de surveillance bénévole les plus populaires de la province. Le principe est assez simple: des observateurs bénévoles s’occupent chacun d’une partie précise de la côte qu’ils visitent chaque mois pour compter tous les oiseaux aquatiques et rapaces dont ils détectent la présence à l’intérieur des terres, près des côtes ou au large. C’est un programme extrêmement important, car il permet de suivre les changements dans les effectifs des espèces le long du littoral de la province et d’en étudier les causes pour orienter nos travaux de conservation.
Il y a cinq ans, nous avons publié dans la cyber-revue scientifique Avian Conservation and Ecology les résultats d’une analyse des tendances de l’abondance des espèces d’oiseaux aquatiques à partir de 20 ans de suivi dans le cadre de ce programme. Nous célébrons cette année le quart de siècle du programme! Nous avons mis à jour nos modèles d’analyse des tendances et analysé les données récoltées par nos extraordinaires bénévoles entre 1999 et 2025. Techniquement, il s’agit d’une période de 26 ans, mais la pandémie de COVID-19 a fait en sorte que notre analyse porte en fait sur 25 ans. Il s’agissait de déterminer comment les populations ont changé au fil du temps; ont-elles augmenté ou diminué, ou sont-elles demeurées stables?
Dans cette nouvelle analyse des tendances, nous utilisons des modèles statistiques actualisés, un processus qui nous aide à donner un sens à de grandes quantités de données et à prédire des tendances. Ces nouveaux modèles permettent à chaque site d’étude d’«emprunter des informations» à des sites voisins. En termes simples, nous utilisons les données des zones voisines, sachant que les oiseaux qui y vivent seront soumis à des conditions environnementales similaires. L’utilisation de ces informations spatiales nous aide à établir des estimations plus solides et plus fiables, en particulier dans les zones où nous ne disposons pas de nombreux sites de relevé. Cette approche est particulièrement importante dans les milieux marins, où les données peuvent être plus difficiles à récolter, mais où il est urgent de prendre des décisions en matière de conservation.
Une façon intéressante d’analyser les données consiste à regrouper les oiseaux en fonction du rôle qu’ils jouent dans leur écosystème, y compris la nourriture qu’ils consomment. Sur le plan scientifique, ces groupes sont également appelés «guildes». Comme les années précédentes, nous avons examiné les tendances des différentes guildes en fonction de leur régime alimentaire (benthivores, herbivores, omnivores, piscivores) et de leur stratégie migratoire (reproducteurs locaux, migrateurs de courte distance, migrateurs au long cours). Cette année, nous avons également examiné de plus près la géographie en comparant les tendances populationnelles dans quatre régions: la région métropolitaine de Vancouver, le détroit de Georgia, le détroit Juan de Fuca et le littoral extérieur combiné (côte ouest de l’île de Vancouver, côtes centrale et nord de la Colombie-Britannique).
Que nous apprend donc cette nouvelle analyse?
Premièrement, plusieurs espèces voient leurs effectifs diminuer dans l’ensemble de la province:
- Le Grèbe élégant se raréfie dans toutes les régions.
- Beaucoup d’autres espèces diminuent en nombre dans la plupart des régions, mais se maintiennent le long du littoral extérieur: Macreuse à bec jaune, Harelde kakawi, certains fuligules, Arlequin plongeur, Macreuse à ailes blanches, Plongeon huard, Goéland à bec court et larinés de grande taille.
- La population du Bécasseau variable décline partout sauf dans le détroit Juan de Fuca.
- De même, les effectifs du Gran Héron s’amenuisent partout, sauf dans la région du Grand Vancouver.
De toutes les espèces, celles qui ont subi la plus forte baisse d’effectifs sur 25 ans sont la Macreuse à bec jaune, l’Harelde kakawi et le Grèbe élégant. Les graphiques des tendances pour ces trois espèces sont présentés ci-dessous.
Ces graphiques représentent un indice d’abondance au fil du temps (calculé à partir du nombre maximal d’espèces recensées à chaque site d’étude durant la saison hivernale), de 1999 à 2025. Chaque courbe représente la tendance d’abondance pour chaque région, selon les modèles. Les tendances pour la Colombie-Britannique sont représentées en noir, avec leurs intervalles de confiance.
La population d’Hareldes kakawi a connu un déclin important et constant partout en Colombie-Britannique, sauf sur le littoral extérieur. Photo : Chantal Jacques
Les populations de Grèbes élégants sont gravement menacées en Colombie-Britannique. Photo : Frank Lin
Voici ce que nous avons appris depuis la première analyse:
- Vingt espèces souffrent d’un déclin important dans le Grand Vancouver en particulier. Cela comprend les espèces suivantes, qui sont stables dans l’ensemble en Colombie-Britannique: Canard d’Amérique, Guillemot marmette, Guillemot colombin, Plongeon catmarin et Plongeon du Pacifique.
- C’est seulement dans le détroit de Georgia que la Macreuse à front blanc se raréfie fortement, ce qui pourrait révéler un déplacement de l’utilisation de l’habitat vers les eaux méridionales de la mer des Salish, dans l’État de Washington, où ses effectifs augmenteraient ou resteraient relativement stables.
- Certaines espèces – telles l’Huîtrier de Bachman, la Bernache du Canada et le Pluvier kildir – montrent des tendances à la hausse dans l’ensemble de la Colombie-Britannique (bonne nouvelle?!)
À l’échelle de la guilde, voici ce qu’il faut retenir:
- Le long du littoral extérieur seulement, les effectifs de toutes les guildes connaissent une forte hausse depuis 25 ans.
- On enregistre une baisse marquée des nombres chez les espèces benthivores et les migrateurs au long cours, ces derniers se raréfiant dans l’ensemble en Colombie-Britannique.
- Les tendances populationnelles au niveau des guildes masquent des profils propres à des espèces spécifiques et à des échelles locales.
En résumé, il faut noter surtout que les Grèbes élégants, ainsi que les populations de plusieurs espèces de canards marins, disparaissent progressivement de nos côtes. De plus, comme prévu, la région du Grand Vancouver et le détroit de Georgia requièrent une attention particulière sur le plan de la conservation. Ces résultats continueront à orienter les futures collaborations en matière de recherche et la planification de la conservation.
L’importance des données issues du relevé des oiseaux aquatiques côtiers ne se limite pas à cela. Ces données sont régulièrement utilisées dans divers travaux de recherche, évaluations environnementales et travaux collaboratifs. Par exemple, nous sommes sur le point de publier une étude similaire sur les tendances démographiques des oiseaux aquatiques, qui intègre cette fois-ci les données du Relevé des oiseaux aquatiques des côtes de la Colombie-Britannique et du relevé des oiseaux marins du Puget Sound dans l’État de Washington. Cette étude fournit la première évaluation à plusieurs échelles des tendances populationnelles des oiseaux aquatiques des côtes dans les eaux transfrontalières de la mer des Salish, en Colombie-Britannique et dans l’État de Washington.
En outre, dans une récente publication scientifique, nous avons évalué l’impact de la circulation maritime sur les populations d’oiseaux aquatiques, à savoir 24 espèces côtières hivernantes, dans la mer des Salish à partir des données récoltées entre 2011 et 2023 dans le cadre des deux études. Les résultats indiquent que, dans toutes les familles d’espèces examinées, la répartition chevauche dans une certaine mesure les zones où il y a une forte densité de la circulation maritime. La majorité des espèces dont les populations sont actuellement en déclin dans la mer des Salish semblent présenter des tendances d’occupation plus négatives dans les zones où l’on enregistre une forte densité de circulation maritime. Cela peut refléter les pressions supplémentaires auxquelles les oiseaux sont exposés dans ces zones, par exemple en raison de la réduction des sources de nourriture et du coût énergétique plus élevé lié aux perturbations fréquentes.
Pour obtenir plus de détails sur ces études, consulter les graphiques pour toutes les espèces d’oiseaux et obtenir d’autres informations sur l’étude et la conservation des oiseaux aquatiques côtiers en Colombie-Britannique, vous pouvez consulter notre dernier bulletin d’information, le British Columbia Coast BirdWatch, sur le site web suivant: https://www.birdscanada.org/bccws_newsletters (en anglais).
Je tiens à remercier chaleureusement Danielle Ethier et Rory Macklin pour leur aide dans les analyses, ainsi que tous les bénévoles du Relevé des oiseaux aquatiques des côtes de la Colombie-Britannique, qui ont rendu ce travail possible!
Vous aimeriez participer au Relevé des oiseaux aquatiques des côtes de la Colombie-Britannique et contribuer ainsi à la collecte des données dans le cadre de ce programme stimulant? Il vous suffit de m’envoyer un courriel à rtorrenta@birdscanada.org.