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Par Pete Davidson (conseiller principal – Conservation), Christian Artuso (gestionnaire des projets pour le Manitoba) et Andrew Couturier (directeur principal, Recherche et conservation – Paysages)


Engoulevent bois-pourri Photo : Ron Ridout

Chaque année, BirdLife International, l’autorité officielle responsable de la gestion de la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées™, évalue le risque de disparition de l’ensemble des espèces d’oiseaux à l’échelle mondiale. Quiconque possède de l’information sur la situation d’une ou de plusieurs espèces peut apporter sa contribution par le biais des forums relatifs aux oiseaux menacés à l’échelle mondiale (en anglais). La version mise à jour de 2018 de la Liste rouge vient d’être publiée. Plusieurs membres du personnel d’Études d’Oiseaux Canada (ÉOC) ont participé à son élaboration, sous la direction d’Andrew Couturier, directeur principal, Recherche et conservation – Paysages. Les atlas d’oiseaux nicheurs nous ont été particulièrement utiles pour déterminer les changements dans la répartition et l’abondance des espèces (voir l’exemple dans la carte ci-dessous). D’autres ensembles de données recueillies dans des lieux particuliers et le précieux savoir de certains de nos spécialistes ont également joué un rôle majeur à cet égard.
De bonnes nouvelles pour les Canadiens : la désignation du Bruant de Henslow et du Pic à tête rouge est passée de « Quasi menacée » à l’échelle mondiale à « Préoccupation mineure ». Ce sont de belles surprises, car ces deux espèces sont considérées en voie de disparition à limite nord de leur aire de répartition au Canada. L’amélioration de leur situation à l’échelle mondiale s’explique par le fait que les effectifs se sont stabilisés au cœur de leur aire de répartition dans l’est et le centre des États-Unis directement à la suite de mesures d’aménagement de leurs habitats (éclaircissage de forêts dans le cas du pic et subventions favorables à l’environnement accordées à des agriculteurs dans le cas du bruant). C’est encourageant car cela incite à croire que si le Canada prenait résolument des mesures similaires à grande échelle, les populations de ces deux espèces jadis passablement répandues pourraient se stabiliser, voir rebondir.
Il est important de noter qu’il n’est pas inhabituel de déceler des différences entre les désignations figurant sur la liste en annexe de la Loi sur les espèces en péril du Canada, qui se rapportent seulement à la situation des espèces sur le territoire canadien, et celles de Birdlife et de l’UICN, qui se rapportent à la situation des espèces à l’échelle mondiale. Ces différences sont particulièrement apparentes dans les cas où le Canada ne constitue qu’une petite partie de l’aire de répartition mondiale des espèces en cause. Le cas de la Chevêche des terriers est un bon exemple : l’espèce est considérée en voie de disparition au Canada étant donné que les populations migratrices du Nord subissent des déclins dévastateurs, tandis qu’au sud de la frontière canado-américaine jusque dans la partie méridionale de l’Amérique du Sud, les populations résidentes sont stables ou en hausse. C’est pourquoi cette espèce s’est vue attribuer la désignation « Préoccupation mineure » de la Liste rouge.
Faire en sorte que les espèces communes le demeurent est un mot d’ordre répandu dans le domaine des politiques et de la gestion environnementales. Or cela constitue un défi de taille, car les priorités en matière de conservation et les rares ressources qui leur sont consacrées sont souvent centrées sur les espèces les plus rares, ou encore sur celles dont la chute des effectifs est la plus prononcée ainsi que sur leurs habitats. La version 2018 de la Liste rouge révèle que trois espèces importantes sur le plan culturel se rapprochent de l’extinction. Les baisses continues depuis un long moment des populations de l’Engoulevent bois-pourri et du Colibri roux leur ont valu de passer au statut plus inquiétant d’espèces « Quasi menacées ». Mais le fait peut‑être le plus frappant est l’attribution de ce même statut au Quiscale bronzé après que l’organisme Partenaires d’envol ait estimé que le nombre d’individus de cette espèce familière des arrière‑cours a diminué de plus de la moitié depuis 1970.


Colibri roux Photo : Alan Burger

Nous manquons de connaissances sur le déclin des populations du Colibri roux, qui effectue les plus longues migrations de toute l’avifaune par rapport à son poids corporel. Divers facteurs pourraient influer sur sa complexe migration en boucle, depuis les forêts de pins et de chênes du Mexique jusqu’aux hautes élévations après sa reproduction, en passant par les basses terres et la côte du Pacifique, puis de nouveau vers le sud le long des chaînes de montagnes de l’intérieur. Lisez le fascinant compte rendu sur l’espèce rédigé par Alison Moran et Dave Fraser paru dans l’Atlas des oiseaux nicheurs de Colombie-Britannique pour en savoir davantage sur le cycle biologique de cet étonnant oiseau. On peut contribuer à rétablir les effectifs du Colibri roux entre autres en reconstituant des jardins et en demandant aux municipalités de replanter sur leurs terrains des plantes indigènes qui attirent cette espèce, comme le Groseiller sanguin (Ribes sanguineum) aux fleurs rouges, la Ronce remarquable (Rubus spectabilis) et des ancolies sauvages du genre Aquilegia.
L’Engoulevent bois-pourri fait partie intégrante de la culture populaire dans toute son aire de répartition. Des relevés réalisés depuis longtemps par des citoyens-chercheurs indiquent une chute d’au moins 60 % des effectifs de l’espèce depuis 1970. Et il est difficile d’en établir les causes en raison du caractère discret de cet oiseau et de ses longues migrations (les individus qui nichent au Canada hivernent en Amérique centrale). L’Engoulevent bois-pourri, qui se nourrit d’insectes volants tout au long de l’année, est particulièrement sensible aux effets des pesticides, de l’intensification de l’agriculture et de la sylviculture ainsi qu’à d’autres facteurs qui réduisent la biomasse entomologique. Il est également victime de la perte d’habitat. Des initiatives comme le Programme des oiseaux forestiers en péril du sud de l’Ontario d’Études d’Oiseaux Canada sont bénéfiques en ce qu’elles encouragent des propriétaires de boisés à adopter des pratiques de gestion bénéfiques (comme la récolte en dehors de la saison de reproduction) qui profitent à l’engoulevent et à d’autres espèces et qu’elles favorisent la collaboration avec des partenaires en vue d’accroître leur protection et de maintenir de vastes étendues boisées dans l’ensemble de la zone carolinienne.


Carte de l’aire de nidification de l’Engoulevent bois-pourri en Ontario tirée de l’Atlas des oiseaux nicheurs de l’Ontario (2001 2005). À noter la prévalence des points gris qui révèle la disparition de l’espèce des parcelles d’atlas où elle était présente à l’époque de l’atlas précédent (1981-1985). Cette carte a été l’une des premières à signaler la raréfaction des insectivores aériens et a contribué à influencer les responsables de la désignation des espèces en péril du Canada et d’autres instances similaires oeuvrant à l’échelle mondiale.

Le Quiscale bronzé a vraisemblablement bénéficié du défrichage de terres à l’arrivée des premiers colons européens en Amérique du Nord. Toutefois, il a été considéré comme une nuisance en raison de son usage des terres agricoles et a fait l’objet dans certaines régions de mesures intensives de répression qui ont apparemment réduit de beaucoup ses populations au cours des récentes décennies.
De bonnes nouvelles nous proviennent d’autres parties du monde : deux autres espèces qui étaient proches de l’extinction se sont rétablies, notamment le Pigeon rose de l’île Maurice, dans l’océan Indien, où des travaux intensifs de lutte contre les espèces envahissantes et la gestion de l’habitat se sont soldés par un autre succès en matière de conservation. Pourtant, nous avons d’autres exemples d’espèces qui sont en danger imminent de disparition. Ainsi, sept espèces de calaos, oiseaux emblématiques de l’Asie du Sud-Est, sont passés à des catégories de risque plus élevé, principalement à cause de la déforestation et de facteurs comme le marché mondial de l’huile de palme (pour contribuer à contrer le problème, évitez d’acheter des produits contenant de l’huile de palme). Le commerce illicite d’oiseaux sauvages, en particulier en Indonésie, mène d’autres espèces vers l’extinction.
La version 2018 de la Liste rouge présente plus de mauvaises nouvelles pour le monde et certains oiseaux du Canada (le Colibri roux, l’Engoulevent bois-pourri et le Quiscale bronzé) que de bonnes (le Pic à tête rouge et le Bruant de Henslow). Toutefois, par-dessus tout, elle montre que le travail d’Études d’Oiseaux Canada, de ses sympathisants et d’autres ONG est essentiel pour signaler les problèmes à mesure qu’ils surgissent et catalyser les efforts afin de surmonter la crise de la biodiversité.
 

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