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Par Janet Ng, Ph. D.


Buse rouilleuse Photo : Janet Ng

La Buse rouilleuse est la plus imposante des buses d’Amérique du Nord: son envergure atteint 1,5 mètre. La plupart des individus ont le dessus brun pâle et la poitrine blanchâtre, mais quelques-uns ont tout le corps brun foncé (morphe sombre). Pour illustrer à quel point cette buse est énorme, j’avoue que j’ai déjà confondu une femelle au morphe sombre avec un Aigle royal!

Sa taille fait de la Buse rouilleuse une espèce emblématique dans les Prairies, mais selon moi, cet oiseau se distingue davantage par son appétit vorace pour le Spermophile de Richardson. Une famille de Buses rouilleuses peut consommer environ 500 spermophiles en une seule saison de reproduction. Au cours de mes recherches sur le terrain, j’ai déjà vu un nid dans lequel il n’y avait pas moins de 13 spermophiles empilés sous les petits. Ces derniers étaient bien gras, en bonne santé et… nauséabonds.

C’est la mention de cette buse comme espèce menacée dans l’annexe de la Loi sur les espèces en péril du Canada qui m’a incitée à l’étudier. À cette époque, les effectifs et l’aire de répartition de l’espèce avaient diminué d’environ 50% depuis les années 1990. Actuellement, la population semble augmenter lentement, mais certaines menaces pèsent encore sur cette buse dans la partie canadienne de son aire. Mes recherches doctorales étaient centrées sur la détermination de ces menaces et de leurs répercussions sur l’espèce au Canada.

La Buse rouilleuse s’épanouit dans des paysages mixtes composés de prairies et de terres agricoles; c’est ce qui distingue le plus son écologie selon mes recherches. J’ai fait cette constatation après avoir passé cinq ans à surveiller des nids dans différents environnements, certains composés principalement de terres agricoles, certains d’un mélange de terres agricoles et de prairies et d’autres principalement de prairies. En comparant l’écologie de l’espèce dans ces paysages, j’ai constaté que le choix de l’habitat était plus décisif et le succès de la nidification plus grand dans les paysages mixtes que dans ceux dominés par les terres agricoles ou les prairies. Joseph Schmutz, Ph. D., avait fait à peu près les mêmes constatations dans les années 1980.

Ces résultats ont des incidences sur la conservation de fragments de prairies. La conservation des prairies est souvent centrée sur de grandes étendues continues. Cette approche tient bien compte des espèces qui ont besoin de grandes superficies de prairies, mais pas de celles qui fréquentent les paysages composés de zones éparses, comme la Buse rouilleuse. Ces fragments comptent parmi les parties de prairies les plus menacées à cause de leur proximité avec les terres qui présentent une valeur pour l’agriculture. Lorsque ces fragments sont mis en culture, le paysage devient plus uniforme. En préservant les fragments qui restent au profit des Buses rouilleuses qui nichent dans ce paysage, on maintient ou on augmente les liens entre les parcelles de prairies et on favorise la biodiversité dans les trois types de paysage.

Mes travaux ont également révélé que les changements climatiques peuvent présenter un grand danger pour la Buse rouilleuse. Ainsi, pendant notre première semaine sur le terrain, nous avons trouvé un nid de l’espèce que le vent avait fait tomber d’un arbre pendant une pluie abondante. Tout le nid était à l’envers au sol, où étaient répandus les œufs cassés. J’étais surprise, car les nids des Buses rouilleuses semblent très résistants. Mais après plusieurs années passées à en surveiller, j’ai constaté que c’est le sort qui est réservé à plus de 8% de tous les nids chaque année. À mesure que les changements climatiques feront sentir leurs effets, les tempêtes devraient être plus fréquentes et plus intenses. Dès lors, plus de nids de Buses rouilleuses pourraient être détruits chaque année.

La Buse rouilleuse est exposée à beaucoup de dangers différents, mais elle a des alliés qui pourraient en étonner certains. Des éleveurs de bétail du sud de l’Alberta et de la Saskatchewan sont de grands champions de sa protection. Ils promeuvent la conservation des prairies pour préserver la biodiversité et leur propre subsistance et pour les générations futures. En retour, les Buses rouilleuses sont des exterminateurs naturels de ravageurs qui opèrent sur leurs terres. La question qui m’est le plus souvent posée est: «Comment pouvons-nous faire augmenter le nombre de buses?» La pose de clôtures pour empêcher les bovins de détruire les nids et l’installation de plateformes de nidification artificielles sont des moyens couramment employés par les éleveurs pour venir à la rescousse de cette espèce en péril dans leurs propriétés. En soutenant les éleveurs et les paysages qu’ils utilisent, on soutient la préservation de la Buse rouilleuse.

Janet Ng a obtenu son doctorat de l’Université de l’Alberta après avoir étudié l’écologie de la Buse rouilleuse dans les Prairies canadiennes. Auparavant, elle a mené des recherches sur l’écologie et les migrations des Engoulevents d’Amérique. Dans ses moments libres, Janet s’adonne à la poterie et passe du temps en plein air.

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