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Par Yousif Attia (coordonnateur, Recensement des oiseaux de Noël et équipe d’eBird Canada), Oiseaux Canada

 

Au Canada, nous avons le privilège d’assister à deux migrations d’oiseaux par année. La saison favorite de nombreux ornithologues – tant amateurs que professionnels – est le printemps, période où les oiseaux arborent leurs plus beaux atours, qui sont souvent assortis de chants magnifiques. Pour la plupart des observateurs d’oiseaux et des amants de la nature, la perspective d’être confinés dans les limites de leur propriété pendant la migration de printemps est une pilule difficile à avaler. Pourtant, nous pouvons voir les choses différemment en réalisant que nous avons la possibilité de récolter et de fournir des données uniques et utiles qui contribuent à la science citoyenne, et de faire de nouvelles découvertes exaltantes dans notre voisinage immédiat.

Vous savez peut-être que nos domiciles se trouvent quelque part le long de la voie migratoire empruntée par plus de 200 espèces d’oiseaux! La migration printanière vers le nord commence dès la fin de février pour certaines espèces, mais c’est le mois de mai qui offre la plus grande diversité aviaire. Des centaines de milliers d’oiseaux migrateurs gagnent le nord – où se trouvent les écosystèmes de la vaste forêt boréale et de la toundra – à partir de leurs quartiers d’hiver. Dès lors, il se peut que vous puissiez voir ou entendre passer une formidable diversité d’espèces au-dessus de votre tête, et même certains qui feront halte dans votre voisinage.

Certains de ces individus arborent une livrée vibrante de couleurs digne de celle des oiseaux tropicaux ou des oiseaux de cage importés. Dans cette catégorie entrent des espèces comme la Paruline à collier (Setophaga americana), qui compte parmi la trentaine d’éblouissantes espèces de la famille des Parulidés (et si vous trouvez que le qualificatif éblouissant est exagéré, je vous invite à voir les Parulines flamboyante, de Townsend et à gorge orangée). Le mâle adulte de la Paruline à collier a la tête gris‑bleu et présente des arcs péri‑oculaires et des barres alaires d’un blanc net, en harmonie avec la gorge et la poitrine en teintes dorées et le collier ocre tirant sur le roux ponctué de points sombres. Et pour ajouter au spectacle, son dos porte une selle vert mousse clairement définie. L’interprétation de cette dernière couleur est sujette à débat, car cet oiseau était autrefois connu sous le nom de Paruline bleue à dos jaune (Parula americana) à l’époque de John James Audubon. Et comme si ce n’était pas suffisant, ce petit oiseau signale sa présence vocalement par un grésillement montant à finale perçante qui constitue une signature sonore absolument unique. Il est indéniable que ce chant distingue la Paruline à collier de toutes les autres espèces. J’ai eu la chance d’assister au passage de quelques parulines dans ma cour à London, en Ontario. Même si on peut s’y attendre et que j’ai vu l’espèce dans des parcs près de chez moi, je ne l’ai pas encore observée dans ma cour. Si SEULEMENT je pouvais passer plus de temps dans ma cour!

Une Paruline à collier photographiée en mai sur la rive nord du lac Érié, en Ontario, pendant la migration. Photo : Yousif Attia

Le spectacle de la migration printanière qui se déroule aux points d’observation bien connus attire des milliers d’ornithologues amateurs chaque année, et, comme les oiseaux, les êtres qui s’y rassemblent peuvent être des êtres d’habitude. Bon nombre d’entre nous surveillent leurs mangeoires religieusement tout au long de l’hiver, mais dès que les migrateurs commencent à revenir, ils se réunissent aux endroits connus où ils peuvent s’en mettre plein les yeux et les oreilles en observant le plus d’espèces possible, habituellement en compagnie de leurs semblables. La camaraderie propre à l’observation des oiseaux en commun a son charme, mais même si d’excellentes mentions d’observation ont été faites aux points chauds d’un bout à l’autre du pays, la Paruline à collier, entre autres espèces, voltige subrepticement d’une branche à l’autre dans nos cours, souvent sans qu’on la voie. Nous avons l’occasion cette année d’apporter un complément à la masse des connaissances sur l’abondance et la répartition des espèces pendant la migration dans des habitats autres que ceux où celles-ci se concentrent sous l’effet de facteurs géographiques. Nous savons que la majorité des oiseaux chanteurs se déplacent la nuit et qu’ils font halte pendant le jour en cours de route pour s’alimenter et refaire leurs forces en prévision du prochain segment de leur voyage. Ce printemps, nous avons l’occasion de déterminer comment les oiseaux migrateurs utilisent nos milieux proches, que ce soit en ville, en banlieue ou en campagne.

Beaucoup de fervents des oiseaux sauvages tiennent déjà des listes des observations faites depuis leur domicile ou leur cour. Il n’est pas nécessaire que les oiseaux observés se trouvent sur la propriété comme telle; du moment que l’observateur s’y trouve, c’est cela l’important (les mentions d’oiseaux entendus plutôt que vus sont valides). Les observateurs qui tiennent de telles listes en sont fiers, à bon droit. Le fait de voir une espèce vraiment sauvage si près de chez soi procure une incroyable sensation de communion avec elle. C’est peut-être une consolation pour l’âme de réaliser qu’il n’est pas nécessaire d’aller loin pour profiter pleinement du monde naturel. Que ce soit assister au survol d’un majestueux oiseau de proie comme la Buse à queue rousse, le Pygargue à tête blanche ou le Balbuzard pêcheur, ou encore apercevoir l’espace d’un instant un passereau furtif dans l’arbre d’un voisin, vivre cela chez soi est infiniment plus exaltant que de parcourir de grandes distances pour éprouver les mêmes sensations.

Selon l’endroit où vous vivez, vous verrez différentes espèces. Le Plectrophane des neiges (à gauche) et le Plectrophane lapon (à droite) sont communs aux mangeoires à Cambridge Bay, au Nunavut, en juillet. Photo : Yousif Attia

Beaucoup d’entre nous n’ont pas de cour ou vivent en plein milieu d’une grande ville. Nous savons que les oiseaux survolent des milieux urbains ou s’y arrêtent pendant leurs migrations, et cette année nous aurons plus de temps pour les guetter. Si vous pouvez dénombrer 15 espèces, c’est formidable, car c’est la qualité qui compte et non la quantité. Le moment le plus mémorable que j’ai vécu en tant qu’observateur à domicile est quand je vivais dans un minuscule appartement au vingtième étage d’un immeuble du centre‑ville de Vancouver. Nous avions un petit balcon, mais quand j’ai aperçu l’oiseau, j’étais à l’intérieur. J’avais déjà vu des Faucons pèlerins depuis mon appartement à quelques reprises auparavant, mais cette fois-là, ce n’était pas la même espèce. Avec mes jumelles, j’ai observé l’oiseau qui approchait, prêt à plonger en piqué sur des Goélands à ailes grises. Il était plus gros qu’un pèlerin, avait les ailes un peu plus arquées et la poitrine plus large. « Se pourrait-il que…? », me suis‑je demandé, le coeur battant, tout en cherchant désespérément mon appareil photo. Le rapace s’est approché assez près pour que j’en prenne une photo; j’étais ravi d’avoir la preuve qu’il s’agissait effectivement d’un Faucon gerfaut, le plus gros et le plus rare des faucons de l’Amérique du Nord! Bien que cette espèce soit généralement peu commune et en raréfaction dans l’ensemble de son aire de répartition, j’ai eu l’occasion de l’observer à quelques reprises à divers endroits sur le continent. Toutefois, l’observation qui restera gravée dans ma mémoire est celle qui m’a procuré la plus grande euphorie, le jour où le Faucon gerfaut est venu à moi.

Le Faucon gerfaut observé par l’auteur depuis son appartement, au 20e étage, au centre-ville de Vancouver (C.‑B.) Photo : Yousif Attia

Alors, pourquoi pas? Faites comme moi et beaucoup d’autres fervents de l’avifaune de tout le Canada et passez 10 minutes ou plus à observer les oiseaux depuis votre domicile, et envoyez vos données à eBird.

 

 

 

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