Par Kris Cu, travailleur – Engagement à la conservation et sensibilisation, Oiseaux Canada
Par un matin de printemps au ciel couvert en Colombie-Britannique, je suis assis dans ma voiture, faisant la queue pour embarquer sur un ferry reliant Tsawwassen et Victoria. Le long de la chaussée de BC Ferries, les camions roulent lentement tandis que les passagers profitent du temps doux et se reposent près du marché du quai.
Si je regarde vers le nord depuis mon véhicule, je vois aussi le terminal de conteneurs Deltaport. Cette immense structure artificielle s’avance sur 4 kilomètres dans le détroit de Georgia, et ses grues à conteneurs culminent à près de cent mètres dans le ciel. Des cargos dont la longueur équivaut à la hauteur d’un gratte-ciel s’alignent contre les quais, apportant des marchandises qui proviennent du monde entier. Ces navires qui servent au transport de millions de produits importés et exportés sillonnent la mer des Salish et d’autres grandes étendues d’eau.
Le terminal Deltaport s’allonge dans le détroit de Georgia. Photo: Alex Harris
Les oiseaux et leurs habitats sont dominés par les structures du terminal Deltaport. Photo: Michael Snyder
Malgré l’important développement industriel dont il est le théâtre, ce secteur de l’estuaire du fleuve Fraser figure encore sur la Liste Ramsar des zones humides d’importance internationale (en anglais) et est désigné comme ZICO (zone importante pour la conservation des oiseaux et de la biodiversité). Les trois principales régions qui composent la ZICO du delta du fleuve Fraser (le banc Roberts, la baie Boundary et le banc Sturgeon) se distinguent par une incroyable biodiversité. On y trouve plus d’une centaine d’espèces menacées (article en anglais), dont l’Effraie des clochers, l’Épaulard résident du Sud et le Saumon quinnat.
Par ailleurs, l’habitat unique de l’estuaire présente l’un des plus grands spectacles de migration aviaire. Chaque printemps, des centaines de milliers de Bécasseaux d’Alaska font halte dans la ZICO pour s’alimenter le long des immenses vasières. Ces oiseaux de rivage se nourrissent d’un biofilm autour de la zone du banc Roberts. Ce biofilm produit de grandes quantités d’acides gras polyinsaturés à chaîne longue essentiels uniquement au printemps, lorsque d’importants volumes d’eau douce large recouvrent les vasières. Avec ses acides gras, il agit comme un superaliment qui fournit un important apport énergétique à ces oiseaux de 40 grammes qui doivent franchir 3000 kilomètres pour se rendre à leurs lieux de reproduction en Alaska.
Des centaines de milliers de Bécasseaux d’Alaska en migration. Photo: Jason Puddifoot
Malheureusement, l’avenir est incertain pour la ZICO de l’estuaire du Fraser et la biodiversité qui en dépend. Le projet de construction du Terminal 2 à Roberts Bank, s’il est approuvé, doublera la taille du port existant. Une commission d’examen fédérale a déterminé que, dans cette éventualité, les effets seraient important et cumulatifs, et qu’ils ne pourraient pas être atténués. Les populations d’oiseaux de rivage au Canada ont déjà diminué de 40% depuis 1970. Et l’expansion du port ne ferait qu’accentuer cette tendance à la baisse. En clair, si le projet est approuvé, des centaines d’espèces seront au bord de l’extinction.
Des oiseaux de rivage en vol devant le terminal Deltaport. Photo: Jason Puddifoot
Je me retrouve à réfléchir à cette réalité pendant que j’attends dans ma voiture. Le sort de plusieurs espèces repose sur un seul projet tout près de chez nous. L’estuaire du fleuve Fraser est un site spectaculaire, mais vulnérable. Nous devons être proactifs pour lui assurer un avenir durable, ce qui inclut la conservation, le maintien et la restauration de la santé des écosystèmes. Pour le bien des humains et des oiseaux, le projet de terminal 2 de Roberts Bank doit être rejeté.
Avec tous les commentaires du public et les informations supplémentaires dont dispose maintenant le ministre de l’Environnement et du Changement climatique du Canada, il est difficile d’imaginer que quiconque puisse croire qu’il n’y aura pas d’impacts négatifs importants sur l’environnement. La question qui se pose à nos élus est donc de savoir s’ils croient que ces impacts peuvent être justifiés par les avantages économiques. Je sais ce que je pense de cette question, mais il est important que votre représentant élu entende ce que vous en pensez. Écrivez à vos élus fédéraux et contribuez à faire pencher la balance: https://e-activist.com/page/66669/action/1 (formulaire en anglais).