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Par Patrick Nadeau, président-directeur général d’Oiseaux Canada

La COP16 commence aujourd’hui à Cali, en Colombie. Ce qui est approprié, ce pays comptant le plus grand nombre d’espèces d’oiseaux au monde; la municipalité régionale de Cali abrite plus d’espèces qu’en compte tout le Canada! Oiseaux Canada est présent, y compris moi-même et des membres du personnel supérieur, ainsi que de nombreux homologues du monde entier membres du partenariat BirdLife International. Nous sommes ici parce que les enjeux sont élevés – et nous comprenons collectivement que le sort de tant de populations d’oiseaux dépend de la capacité de la communauté mondiale à atteindre les cibles du Cadre mondial pour la biodiversité (CMB). Ou, comme le dit si bien le thème de la COP16, l’humanité doit «faire la paix avec la nature».

De gauche à droite: Patrick Nadeau (président-directeur général d’Oiseaux Canada), Evelyne Morin (directrice, conservation et coopération internationales d’Oiseaux Canada), Greg Spira (directeur principale de programme – conservation à l’international check Oiseaux Canada) Martin Harper (président-directeur général de BirdLife International). Photo: Fel Castañeda Gamboa

Les Conférences des Parties (COP) à la Convention sur la diversité biologique (CDB) sont des réunions cruciales qui rassemblent les pays et les parties prenantes pour négocier des stratégies mondiales de conservation de la nature. Établies dans le cadre des Nations unies, elles constituent les organes décisionnels suprêmes au titre de la CDB. Ces conférences permettent aux pays de fixer de nouvelles cibles, de rendre compte de leurs progrès et d’adopter des décisions qui orientent les efforts internationaux de protection des écosystèmes et des espèces.

En général, les COP ont lieu tous les deux ans. La COP15, tenue à Montréal en 2022, a débouché sur un accord international historique connu sous le nom de Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal. Le CMB comporte 23 cibles spécifiques que les pays ont accepté d’atteindre d’ici 2030, guidés par leurs stratégies et plans d’action nationaux pour la biodiversité (SPANB). Après la COP15, Oiseaux Canada et de nombreux autres groupes ont apporté leur expertise et ont fait pression pour que le Canada publie un SPNAB ambitieux, avec une trajectoire claire pour atteindre les 23 cibles du CMB. Plus tôt cette année, le Canada a publié son SPNAB qui, bien qu’imparfait, énonce certains éléments clés pour soutenir son ambition de stopper et d’inverser la perte de biodiversité.

Un autre chapitre s’ouvre maintenant à nous. Alors que le Canada monte sur la scène internationale à l’occasion de la COP16, il doit se montrer à la hauteur de l’urgence qu’il y a à stopper et à inverser la perte de biodiversité. Le Canada dispose désormais d’un plan d’action, mais le véritable test sera celui de la mise en œuvre – et pour certaines cibles, nous sommes déjà en retard. En voici trois en particulier que nous suivons de près.

L’un des changements les plus importants qui s’imposent à l’échelle mondiale est que les pays développés renforcent leur soutien financier aux pays en développement afin de permettre des mesures de conservation inclusives et menées au niveau local, comme le prévoit la cible 19 du CMB. Un récent rapport de l’ODI (Overseas Development Institute) (en anglais) montre que la contribution du Canada à cet égard est bien inférieure à sa juste part. Le Canada peut et doit faire plus. À Cali, nous demandons au Canada d’augmenter d’urgence ses investissements à l’échelle internationale en faveur de la nature, conformément à la cible 19. Cela signifie qu’il faut allouer des fonds pour refléter notre juste part de l’effort mondial de protection de la nature tout en adhérant au principe d’additionnalité: le nouveau financement de la biodiversité ne doit pas se faire au détriment d’autres aspect cruciaux tels que l’adaptation au climat ou la réduction de la pauvreté. Le Canada doit également veiller à ce que son financement de la conservation à long terme soit plus perspicace, plus équitable et plus inclusif, en incluant davantage de communautés autochtones, de groupes de conservation locaux et de partenaires novateurs qui sont aux premières lignes de la protection de la biodiversité. En outre, le financement relatif au climat et à la biodiversité doit être intégré, afin que chaque dollar soit plus efficace et centré sur ces deux axes, en reconnaissant l’interdépendance de la stabilité du climat et de la santé de la biodiversité. Enfin, nous proposons que le Canada affecte une partie de son financement international en faveur de la biodiversité à la mise en œuvre des stratégies d’investissement dans la conservation existantes en Amérique latine. Ces stratégies d’ensemble, basées sur la science, ont été élaborées spécifiquement pour orienter la conservation des oiseaux migrateurs en Amérique latine et dans les Caraïbes, avec le soutien du gouvernement du Canada ainsi que l’engagement et le leadership significatifs des intervenants locaux. La Stratégie d’investissement pour la conservation des forêts de moyenne altitude d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud, par exemple, se concentre sur les forêts et les réseaux agroforestiers de moyenne altitude en Amérique centrale et dans le nord de l’Amérique du Sud, qui sont reconnus comme des habitats essentiels pour plusieurs espèces d’oiseaux migrateurs en fort déclin, telles que la Paruline du Canada, la Paruline azurée et la Paruline à ailes dorées.

Ces dernières années, le Canada a réalisé des progrès eu égard à la cible 3, souvent appelée cible 30×30, qui vise à préserver au moins 30% des zones terrestres et des eaux intérieures des pays d’ici à 2030. Or, cette cible va bien au-delà d’un simple calcul de superficies. Les zones ciblées pour la conservation doivent être des zones particulièrement importantes pour la biodiversité et pour les fonctions et services écosystémiques, sinon, nous pourrions atteindre l’objectif «numériquement» tout en laissant des écosystèmes et des espèces importants décliner. C’est pourquoi, à Cali, nous demandons instamment aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et aux administrations municipales du Canada de veiller à ce que les zones clés pour la biodiversité (KBA) soient intégrées en tant qu’outil fondamental d’identification des zones prioritaires pour la conservation. Ce sont les joyaux de la couronne du Canada pour la nature, y compris des points chauds irremplaçables pour de nombreuses populations d’oiseaux. Nous devons les protéger.

Enfin, nous comptons profiter de notre séjour à Cali pour souligner les progrès réalisés par le Canada en ce qui concerne la cible 21 (page 128), qui vise à garantir que les meilleures données disponibles sur la biodiversité soient accessibles à tous. Dans le cadre de cette cible, les pays doivent accroître le flux d’informations fiables et transparentes à destination des décideurs, des praticiens de la conservation et du public. Ces connaissances sont essentielles à la prise de décisions éclairées et à la mobilisation du plein pouvoir de l’action citoyenne dans la conservation de la biodiversité. Nous estimons que les données sur les oiseaux mises à la disposition du public au Canada sont un bon exemple de progrès réalisés dans l’atteinte de la cible 21. La plateforme NatureCounts d’Oiseaux Canada, aujourd’hui l’une des plus grandes bases de données sur la biodiversité au monde, a été construite avec un soutien important du gouvernement du Canada. Elle a permis la création de produits novateurs et accessibles, tels que le rapport sur l’état des populations d’oiseaux du Canada publié récemment. C’est précisément le type de produit dont on a besoin pour éclairer une prise de décisions davantage fondée sur la science, et nous envisageons de le promouvoir comme un exemple à suivre pour d’autres pays et d’autres parties prenantes.

Alors que s’ouvre la COP16, nous sommes remplis d’anticipation et de détermination à joindre nos homologues de BirdLife International et à participer à des pourparlers critiques sur la conservation de la biodiversité. Cette assemblée offre une occasion unique de faire corps avec des leaders mondiaux, des activistes et des communautés dans notre mission commune de protéger les riches écosystèmes de la Terre, en particulier la faune aviaire, que nous connaissons et aimons. Restez à l’affût de nos communications en provenance des premières loges de cette agora d’envergure mondiale.

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