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Par Graham Sorenson, coordonnateur des programmes en Colombie-Britannique, Oiseaux Canada

 

Les changements climatiques produisent des effets à grande échelle sur les écosystèmes. Les moments auxquels se produisent des phénomènes critiques comme la fonte des neiges et l’éclosion des insectes changent à mesure que les régimes météorologiques se modifient. Chez les oiseaux, ces effets se font sentir graduellement: la quantité de nourriture à laquelle ils ont accès et le moment où celle-ci est accessible changent peu à peu au fil des ans. Toutefois, les phénomènes météorologiques extrêmes sont des agents de stress qui agissent de façon soudaine et intense et qui peuvent être nocifs pour les oiseaux nicheurs en affectant directement leur capacité reproductrice et de survie. Par exemple, des chercheurs ont constaté que – pour des Faucons crécerellettes qui se reproduisent en Europe – les sécheresses sont plus dommageables que les changements graduels dans les précipitations moyennes. Il est important de comprendre comment les extrêmes météorologiques influent sur les espèces pour déterminer quelles sont les populations aviaires vulnérables et élaborer des stratégies permettant de les préserver.

Les conditions météorologiques rigoureuses ne sont pas anormales en milieu alpin au Canada, mais les épisodes de temps violent deviennent plus fréquents et plus intenses. Les conditions de plus en plus difficiles peuvent être néfastes pour les espèces d’oiseaux de ce milieu, en particulier aux stades de leur cycle biologique où elles sont déjà vulnérables, notamment au stade de la nidification. Dans un article paru récemment, Devin de Zwaan, Ph. D., et des collègues ont étudié les effets du temps violent sur des oiseaux nichant en milieu alpin en Colombie-Britannique (voir aussi: Les oiseaux alpins peuvent-ils composer avec les conditions météorologiques extrêmes? – Science.gc.ca (ic.gc.ca)). Ils ont cherché à savoir quels effets les phénomènes météorologiques violents survenant à différents stades de la période de reproduction peuvent avoir sur la croissance des jeunes au nid de trois espèces de passereaux qui nichent au sol: l’Alouette hausse-col, le Bruant des prés et le Junco ardoisé. En observant des nids tout au long de cette période, en notant la chronologie des stades de nidification (p. ex., début de la nidification, incubation, soins des oisillons) et en prenant les mensurations des nouveau-nés sept jours après leur éclosion, les auteurs de l’étude ont pu déterminer les effets des conditions atmosphériques à l’échelle locale sur la croissance et, finalement, la taille des nouveau-nés.

An alpine landscape.
 Paysage alpin Photo: Devin de Zwaan

L’équipe qui a mené l’étude a passé plusieurs périodes de nidification à observer les comportements des oiseaux et à explorer attentivement l’habitat alpin. Chez les trois espèces en cause, les femelles choisissent les sites de nidification, construisent les nids et couvent les œufs sans l’apport des mâles; dès lors, pour trouver un nid, il faut surveiller de près ces oiseaux au plumage cryptique jusqu’au moment où ils retournent aux nids. Les nids des Alouettes hausse-col sont très exposés (même s’ils sont étonnamment bien dissimulés), tandis que ceux des Juncos ardoisés et des Bruants des prés sont mieux protégés et mieux cachés. Les trois espèces se distinguent quant au degré d’exposition des nids aux éléments: ceux des alouettes sont sans protection, ceux des juncos sont plutôt creusés dans des levées de terrain ou sous des pierres et ceux des bruants sont souvent érigés dans des touffes d’herbes et plus tard en saison que ceux des deux autres espèces, ce qui pourrait leur éviter les effets des tempêtes par temps froid.

Il existe des liens étroits entre la taille des oisillons et leur taux de survie. Ceux qui ont une plus grande taille consomment suffisamment de nourriture et sont suffisamment protégés du froid pour pouvoir consacrer plus d’énergie à leur croissance. Les auteurs de l’étude ont constaté que c’étaient les extrêmes météorologiques survenant au début de la nidification (au moment de la ponte) et de la vie des oisillons au nid qui avaient le plus d’influence sur la taille des petits, quelle que soit l’espèce, ce qui indique que ces périodes correspondent aux moments où la nidification est le plus susceptible d’être affectée par les conditions atmosphériques. Au début de la présence des oisillons au nid, cela s’explique vraisemblablement par le fait que les parents doivent passer plus de temps à se nourrir ou à réchauffer leur progéniture, et donc qu’ils ont moins de temps pour apporter de la nourriture aux nids.

Horned Lark
Alouette hausse-col Photo : David Bell
Horned Lark nest with nestlings.
Nid d’alouette hausse-col Photo : Tomas Altamirano

Fait intéressant, les trois espèces ne présentent pas les mêmes réponses aux conditions du temps:

 

  • Alouette hausse-col – Le froid extrême (nombre d’heures à < 5° C) réduisait davantage la taille des oisillons, qui étaient néanmoins en majorité non touchés par les variations des températures moyennes. Les oisillons résistaient aux effets des tempêtes ponctuelles, mais leur croissance était réduite en présence de tempêtes multiples, ce qui révèle que ces oiseaux sont sensibles à l’accroissement de la fréquence des tempêtes.
  • Junco ardoisé – Les oisillons étaient relativement peu affectés par l’occurrence de tempêtes multiples, vraisemblablement parce que les nids sont couverts, mais ils étaient moins résistants aux températures moyennes plus basses, si bien que les oisillons au nid sont plus petits. Quand le temps est plus chaud pendant le séjour des oisillons au nid, les insectes sont probablement plus abondants, ce qui bénéficie aux adultes et à leur progéniture.
  • Bruant des prés – Les oisillons étaient plus petits à la suite d’épisodes de températures moyennes plus basses et ne présentaient pas de réponse aux tempêtes, mais leur masse était plus grande lorsque les précipitations moyennes étaient importantes. La corrélation entre les précipitations et les températures moyennes pourrait indiquer que le temps chaud et pluvieux procurait de bonnes conditions pour la recherche de nourriture. Étant donné que les Bruants des prés se reproduisent plus tard en saison que les deux autres espèces, ils subissent probablement moins les effets des tempêtes par temps froid.
Savannah Sparrow nest with eggs.
Nid de Bruant des prés Photo : Graham Sorenson
Dark-eyed Junco nest with eggs
Nid de Junco ardoisé Photo : Graham Sorenson

Selon toute vraisemblance, les Alouettes hausse-col sont l’espèce, parmi les trois étudiées, qui sont le plus affectées par les tempêtes de plus en plus fréquentes (observées et prévues), tandis que les périodes de froid au début de l’été affectent les deux autres espèces. L’établissement de liens entre les changements dans les conditions atmosphériques et le succès de la reproduction aidera les chercheurs à élaborer des modèles pour prévoir les changements dans les effectifs de ces espèces et d’espèces ayant un cycle biologique comparable, en particulier lorsqu’il s’agit de déterminer quelles périodes sont le plus critiques pendant la nidification.

Comme les habitats alpins sont moins accessibles aux humains que beaucoup d’autres, ils sont souvent sous-représentés dans les données recueillies dans le cadre de programmes de science participative, comme eBird. Vous pouvez contribuer à alimenter les chercheurs en données sur les espèces dont ils ont besoin pour mener des études comme celle dont il est ici question en faisant des observations dans des habitats plus éloignés et moins fréquentés par des observateurs et en communiquant vos mentions. Il est particulièrement utile d’établir des listes d’observation axées sur le type d’habitat. Par exemple, vous pouvez commencer une liste d’observation d’eBird lorsque vous dépassez la limite forestière en altitude et entrez dans l’habitat alpin ouvert de l’Alouette hausse-col. Si vous n’avez pas encore de compte à eBird Canada, vous pouvez en créer un en vous rendant à eBird Canada

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