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Par Rémi Torrenta, coordonnateur des programmes en Colombie-Britannique, Oiseaux Canada

Les oiseaux marins jouent un rôle crucial en indiquant les changements dans l’environnement causés par des phénomènes naturels et l’activité humaine. Les auteurs d’une étude révolutionnaire menée sur 29 ans, de 1993 à 2021, ont utilisé les données d’un vaste programme d’inventaire des oiseaux échoués pour faire la lumière sur la mortalité des oiseaux marins dans le Pacifique Nord‑Est et en Alaska. Ces données ont permis d’établir le lien entre cette mortalité et la variabilité du climat océanique dans la région. En particulier, les auteurs de l’étude ont exploré la relation entre la mortalité des oiseaux marins et les vagues de chaleur marines, caractérisées par de longues périodes de températures océaniques très élevées.

Les données ayant servi à l’étude comprennent celles récoltées dans l’Inventaire des oiseaux échoués de la Colombie-Britannique, qui a commencé en 2002. Ce programme ne pourrait exister sans la contribution de centaines de dévoués bénévoles. Ces derniers effectuent des relevés mensuels de carcasses d’oiseaux sur des plages en suivant un protocole normalisé. L’ensemble de données ainsi recueillies représente la plus importante masse d’information existante sur les oiseaux échoués, tant par la durée de l’inventaire que par sa couverture géographique.

Puffin de buller. Photo: Yousif Attia

Cette étude est très intéressante parce que c’est la première à établir un lien clair entre la mortalité aviaire et les vagues de chaleur marines. En résumé: plus l’anomalie de température de la mer est soutenue (0,5 à 1 °C au-dessus des normales), plus il est probable qu’on enregistre des mortalités massives d’oiseaux marins dans un délai d’un à six mois après cette vague de chaleur marine. La recherche révèle également une tendance surprenante dans le Pacifique Nord-Est, avec des vagues de chaleur marines dont l’intensité a été multipliée par trois, et la durée par neuf, entre 2000 et 2022, par rapport à la période 1982-1999.

Certains oiseaux sont beaucoup plus touchés que d’autres, notamment ceux de la famille des Alcidés (oiseaux de mer qui ressemblent à de petits manchots: guillemots, stariques, macareux, Petit Pingouin) et de la famille des Procellariidés (oiseaux dotés de narines tubulaires, comme les pétrels, qui vivent en haute mer). Les oiseaux plus généralistes qui peuvent facilement changer de régime alimentaire, comme les mouettes, les goélands et les cormorans, seraient plus résistants aux effets des vagues de chaleur marines.

Il est important de mentionner que le réchauffement des océans provoque indirectement, plutôt que directement, une mortalité massive chez les oiseaux de mer. La cause exacte de chaque cas de mortalité massive est différente, mais toutes semblent liées à des eaux plus chaudes à la suite d’une vague de chaleur marine, affectant ainsi l’ensemble de l’écosystème marin. Il peut s’agir d’une prolifération d’algues nuisibles, d’une augmentation d’épidémies ou d’une modification de la qualité et de l’abondance des proies, ce qui peut entraîner une famine.

Ainsi, ces dernières années et en particulier en Colombie-Britannique, nous avons observé deux cas majeurs de mortalité massive, soit ceux des Stariques de Cassin en 2014 (morts de faim pour la plupart) et des Macareux rhinocéros en 2016 (morts en majorité d’une maladie bactérienne).

Les changements climatiques font augmenter la fréquence et l’intensité des vagues de chaleur marines et des phénomènes météorologiques extrêmes (comme le dôme de chaleur survenu en Colombie-Britannique en 2021). On peut donc s’attendre à un nombre croissant de cas de mortalité massive d’oiseaux marins, et l’on s’inquiète de la capacité des populations de ces oiseaux à se rétablir entre ces événements. Les cas de mortalité dont il est question dans cette étude ont probablement causé une réduction significative du nombre d’oiseaux de mer dans le Pacifique Nord. Alors que le réchauffement climatique se poursuit, l’étude souligne la possibilité d’une réduction de la capacité d’accueil des oiseaux marins dans le Pacifique Nord-Est.

Guillemots à col blanc. Photo: Tom Middleton

Les phénomènes El Niño prolongés (comme celui que nous connaissons actuellement et qui durera les deux prochaines années) devraient être plus fréquents et plus intenses à l’avenir en raison du réchauffement climatique, et auront probablement des effets néfastes sur nos populations d’oiseaux de mer. En particulier, El Niño augmente la température de la surface de la mer et réduit la remontée d’eau froide et riche en nutriments qui alimente les diverses communautés de plancton, lesquelles soutiennent de grandes populations de poissons qui, à leur tour, alimentent une abondance d’oiseaux marins.

Cette étude exhaustive réalisée depuis 29 ans met en évidence l’impact alarmant du réchauffement des océans. En connaissant mieux ces tendances et leurs conséquences, nous pouvons prendre des mesures pour protéger les populations d’oiseaux de mer et préserver l’équilibre délicat de nos écosystèmes marins face aux changements climatiques en cours.

Vous aimeriez participer à l’Inventaire des oiseaux échoués de la Colombie-Britannique et faire partie de l’équipe de gardiens qui contribuent à détecter et à surveiller les cas de mortalité massive et d’autres problèmes (mazoutage d’oiseaux, pollution, épidémies, etc.)? Communiquez avec Rémi Torrenta à rtorrenta@birdscanada.org. Le concept est simple et tout le monde peut participer: vous vous promenez sur votre plage préférée une fois par mois pour signaler et identifier toutes les carcasses d’oiseaux que vous avez trouvées, ou l’absence de carcasses. Nous vous fournissons toutes les ressources nécessaires.

Pour en savoir davantage sur l’étude dont il a été question ci-dessus, lisez l’article paru dans la revue web Marine Ecology Progress Series (en anglais).

Nous remercions tous les participants bénévoles à l’Inventaire des oiseaux échoués de la Colombie-Britannique pour leur engagement et leur dévouement extraordinaires.

Ce projet a été réalisé avec le soutien financier d’Environnement et Changement climatique Canada.

Macareux huppé et Guillemots marmette. Photo: David Bradley

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