Par Ian Cook, gestionnaire – Conservation des prairies, Oiseaux Canada
La région des Prairies, riche d’une grande biodiversité, constitue un des plus importants écosystèmes accueillant les oiseaux en Amérique du Nord. Cet article est le deuxième d’une série de trois qui explore les liens unissant les Prairies canadiennes aux agriculteurs, aux éleveurs et aux oiseaux.
Les plantes et les animaux des prairies ont évolué en même temps que les bisons en liberté et la pression exercée par leur pâturage continu. Avec la disparition du bison, le bétail et les autres animaux d’élevage occupent désormais la niche du brouteur, ce qui est vital pour la santé de l’écosystème des prairies. Le bétail de pâturage maintient la diversité des hauteurs de végétation dont les oiseaux des prairies ont besoin, améliore la diversité des plantes et accroît même la séquestration du carbone. La grande majorité des prairies encore existantes au Canada appartiennent à des éleveurs de bovins et de bétail. En fait, ceux-ci sont les gardiens de l’un des écosystèmes les plus menacés du monde, les prairies, et jouent un rôle indispensable dans la survie des oiseaux inféodés à ces milieux!
Sturnelle de l’Ouest Photo : Programme des ZICO du Manitoba
Considérez ceci: les terres utilisées pour l’élevage du bétail représentent un tiers de l’ensemble des terres agricoles du Canada. Cependant, elles fournissent les deux tiers de l’habitat faunique que l’on trouve sur ces terres. Les Goglus des prés, les Pipits de Sprague, les Plectrophanes à ventre noir et les Chevêches des terriers peuvent prospérer dans des pâturages où se trouvent des bovins, des bisons ou même des moutons. Mais ils ne peuvent pas vivre dans les champs de maïs ou de lentilles.
Toutefois, être dans le secteur de l’élevage n’est pas facile, et les producteurs de bovins sont de moins en moins nombreux dans les Prairies canadiennes. Au Manitoba, en 2016, il y avait 360 producteurs de bovins de moins que seulement cinq ans auparavant. L’âge moyen d’un producteur de bovins dans cette province est actuellement de 55 ans, et à mesure que ces producteurs prennent leur retraite, il y a moins de jeunes qui veulent ou peuvent reprendre le ranch familial. La terre est alors souvent vendue au plus offrant et, assez fréquemment, labourée et exploitée pour produire des cultures annuelles. Les pressions du marché et les effets pervers d’incitatifs réglementaires favorisent la conversion des prairies en cultures annuelles, et donc la perte d’habitats pour les oiseaux qui y vivent. Il est tout simplement plus rentable de cultiver un champ de canola ou de soja que d’élever du bétail.
L’une des principales préoccupations concernant la production de viande bovine est sa contribution aux changements climatiques, qui constituent le problème environnemental le plus urgent de notre époque. Sur le plan environnemental, soutenir l’industrie bovine peut donc sembler contraire à la logique. Or, sans le bétail de pâturage, nous perdrons les prairies dont nous avons besoin de toute urgence pour maintenir les populations d’oiseaux qui y habitent et dont les effectifs sont en déclin rapide. De plus, les prairies naturelles du Canada sont des paysages vitaux en ce qui touche le carbone, car elles présentent une exceptionnelle capacité de stockage de ce gaz, laquelle peut atteindre 180 tonnes par hectare (article en anglais). Les prairies séquestrent au moins autant de carbone que les forêts, et elles pourraient en fait être les puits de carbone les plus fiables, car la majeure partie de leur carbone est stockée sous terre et ne se perd pas lors des incendies. Il est donc important de conserver les prairies intactes pour atteindre nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Chevêche des terriers Photo : Nick Saunders
Oiseaux Canada s’est engagé à aider les éleveurs de bétail des Prairies canadiennes à maintenir ce qui reste de nos populations d’oiseaux de prairies. Il est important que les éleveurs de bétail et les organismes de conservation comme Oiseaux Canada soient des alliés dans cette région. En effet, plusieurs organismes voués à la préservation de l’avifaune s’associent à des éleveurs de bétail. Par exemple, la National Audubon Society (États-Unis) collabore avec des éleveurs dans le cadre de son programme Conservation Ranching (élevage de conservation) afin d’améliorer l’habitat des oiseaux de prairies sur près de 450 000 hectares aux États-Unis, les producteurs participants recevant une prime pour leur viande bovine.
Dans le troisième et dernier article de la série, nous nous pencherons sur la manière dont nos décisions d’achat peuvent aider les oiseaux.
Lisez le premier article dans la série: «Les prairies, habitat essentiel d’oiseaux emblématiques de l’Ouest canadien».
Bétail à un pâturage communautaire en Saskatchewan Photo : Mel Toppi et Diego Steinaker